Après lecture de certains albums, on hésite à retourner à la banalité ordinaire. On voudrait fermer les yeux, exclure le tapage environnant et recommencer l'histoire de crainte de laisser échapper le moindre détail, le plus petit mot qui a su créer un moment de si intense émotion.
Cet album illustré par Rebecca Dautremer en fait partie et de surprendra pas l'habitué du travail de cette artiste pour au moins deux raisons. D'abord sa palette de couleurs, des rouges, des roses bien chauds et charnus qui savent aussi ménager des transparences ; d'autre part, ses illustrations qui font rebondir la narration. Les splendides illustrations accompagnent le plaisir profond du texte, le côté volubile, enchanteur et aérien de ce "Cyrano" dans une transposition un peu "cavalière", dixit la quatrième de couverture du "Cyrano" d'Edmond Rostand mais complètement assumée de l'auteur.
Auteur et illustratrice se tiennent dans le juste équilibre d'un classisime renouvelé puisque librement inspiré, sachant mettre leurs pas dans de vieilles ornières. Ce qui semble apparente nouveauté est une "redite" qui nous étonne par sa fraîcheur et sa beauté personnelle. On a à l'arrivée un album brillant, pétillant, qui nous renvoie avec un réel plaisir du texte à l'image, de l'image au texte. Un bel album que l'on pourra ranger à côté du "classique" relié cuir.

Chronique de Marie Jo Klein, Parue dans Lulu 2006, BM de Cherbourg-Octeville