Paroles sans papiers
Delcourt / 2007
Auteur·rice : Collectif
Illustrateur·rice : Collectif
Le contenu
Il y a la loi et il y a les êtres humains. Cela ne va pas toujours ensemble.
Il y a le Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement et il y a les êtres humains. Cela ne va pas ensemble non plus.
Il y a des auteurs de bande dessinée : Mattotti, Gipi, Jouvray, Pedrosa, Kokor, Brüno, Plierre Place, F. Peeters et Alfred, qui s’engagent dans cet album. Ce sont des êtres humains qui parlent d’autres êtres humains.
Il y a Martine, une jeune Congolaise ; Serge l’Ivoirien ; Raïssa, la Tchétchène ; Rosalie Masimba, Congolaise encore ; Joao, 15 ans, Brésilien ; Mariem, 32, Sénégalaise ; Brahim Chedaf, 49, Marocain ;Malika, Tchétchène ; Osmane, Algérien. Ce sont aussi des êtres humains. Mais ce sont surtout des Sans papiers, qui ont dû fuir leur pays et la misère, et qui ont pensé naïvement que la France, Terre d’asile, les accueillerait et leur offrirait une vie meilleure. Ce sont aussi des êtres humains, qui souffrent, qui espèrent mieux, mais que l’on ne traite ni n’accueille comme des êtres humains.
« Ils m’ont violée. Ils m’ont fait n’importe quoi. », dit Martine, rejetée avec tant d’autres Africains sur le territoire marocain.
« Ils sont arrivés, ils nous ont pris et ils sont allés nous jeter dans le désert. », explique Serge, coincé lui aussi au Maroc.
« C’était un hôtel, mais dans cet hôtel, y avait pas d’eau chaude. La douche était dehors, et pour des enfants traumatisés qui ont peur de sortir, peur des gens, c’était très difficile … », témoigne Raïssa en arrivant en France.
« Quand on vient en France, nous sommes des chiens, nous sommes n’importe quoi, je souffre pendant des années toujours dans la rue comme ça. » constate Rosalie, contrainte à la prostitution pour survivre.
« Et je ne sais pas pourquoi les gens ne veulent pas de nous, comme ça. Je pense que les gens ont peur parce qu’ils pensent qu’on vient ici pour traîner dans la rue. », réfléchit Joao, dont les parents ne veulent jamais sortir de peur de se voir expulser.
« Un jour j’ai découvert que si j’ai envie d’aller au Sénégal, je ne peux pas y aller parce que j’ai pas de papiers. », comprend Mariem, réduite à l’esclavage par sa propre tante.
« Après huit ans passés en France, je suis devenu un sans-papiers faute d’avoir rempli ma demande de carte de séjour à temps. La situation est devenue infernale psychologiquement. » explique Brahim.
« Les enfants pleuraient, mon mari a demandé d’arrêter la voiture, même pour cinq minutes, pour que je puisse prendre l’air. Les quatre agents n’ont absolument pas voulu entendre nos prières. Les enfants ont même dit par la suite que sûrement ces gens-là étaient dépourvus de cœur. L’homme qui était assis à côté du chauffeur avait pris nos papiers et nous montrait clairement son dégoût de les avoir entre les mains. Il les manipulait comme des jouets, ce qui accentuait encore notre anxiété. » témoigne Malika alors qu’elle est transférée arbitrairement avec les siens de Clermont-Ferrand à Lyon.
« J’avais déjà reçu l’arrêté de reconduite à la frontière. Je savais que c’était terminé. » dit Osmane, militant dans des associations de défense des Sans-papiers.
Témoignages terribles que ces paroles-là, qui ne disent que la peur, l’anxiété, la misère, le dénuement, l’incompréhension, la déception …
Paroles fortes, émouvantes, qui résonnent de manière intense dans les images des neuf dessinateurs présents dans ce collectif. Ils donnent vie, chair et âme à ces êtres humains et montrent, s’il en était encore besoin, que derrière les statistiques et les arrêtés, il y a de vraies personnes. Il y a le noir, le très noir de Mattotti ; les ocres de Gipi qui montrent ici l’inhospitalité ; la mise en page dynamique, spiralée, de F. Peeters, traduisant l’inexorable et l’absurde ; les cases très fortes de Pierre Place, presque silencieuses, qui savent dire l’angoisse et la peur de l’avenir ; le visage de Joao, capturé en gros plan par Alfred, si jeune et si perplexe déjà devant une situation absurde aussi, et puis ses ombres menaçantes ; les gaufriers de Brüno et ses gris, qui soulignent la vie triste et répétitive de Mariem l’esclave et son enfermement ; une très belle case de Kokor, muette, dont la force et l’évidence valent tous les mots : Brahim, sur fond noir, dont on ne voit pas le visage, dont la veste à carreaux perd ses carreaux peu à peu, comme un arbre qui se dénude, parce que les années passent et que la vie passe, pour rien du tout ; les planches de Jouvray, aux tons très sombres, sur lesquelles se détachent les visages anxieux ; les couleurs pastel et chaudes de Pedrosa, pour le récit qui est sans doute le plus optimiste parmi toutes ces paroles.
Il y a aussi une préface d’Emmanuelle Béart, dont on connaît l’engagement dans la défense des Sans-papiers, ainsi qu’un très beau texte de José Munox, qui présidera le Festival d’Angoulême en janvier 2008 et qui raconte son expérience personnelle de sans-papier.
Enfin, l’album se prolonge par un dossier documentaire consacré à l’histoire de l’immigration, le rappel des faits depuis l’occupation de l’église Saint-Bernard en août 1991, l’état de lieux de l’immigration, les coordonnées des associations qui se battent depuis des années : Cimade, Migreurop, Gisti, Réseau Education Sans Frontières ainsi qu’une carte des centres de rétentions.
Alfred et David Chauvel ont voulu cet album manifeste pour une autre politique et l’ont dirigé. Et ils ont rudement bien fait parce qu’il est magnifique, humain, intelligent et poignant.
La bande dessinée est un média de masse. Et c’est bien et nécessaire qu’elle puisse aussi servir à cela : expliquer, dénoncer, remettre l’humain au centre de la vie !
Catherine Gentile
Pistes d'écriture :
Piste 1 – Il y a Martine, une jeune Congolaise ; Serge l’Ivoirien ; Raïssa, la Tchétchène ; Rosalie Masimba, Congolaise encore ; Joao, 15 ans, Brésilien ; Mariem, 32 ans, Sénégalaise ; Brahim Chedaf, 49 ans, Marocain ; Malika, Tchétchène ; Osmane, Algérien.
Neuf récits, neuf personnes, neuf destins, neuf vies contrariés : laquelle, parmi ces histoires de « sans papiers » vous a le plus touché (e). Dites-nous pourquoi.
Piste 2 - Il y a Martine, une jeune Congolaise ; Serge l’Ivoirien ; Raïssa, la Tchétchène ; Rosalie Masimba, Congolaise encore ; Joao, 15 ans, Brésilien ; Mariem, 32 ans, Sénégalaise ; Brahim Chedaf, 49 ans, Marocain ; Malika, Tchétchène ; Osmane, Algérien.
Réalisez une affiche au format A3 sur laquelle vous présenterez les 9 personnages de cet album témoignage. Vous choisirez pour chacun une vignette significative et dessous, vous ajouterez un petit texte dans lequel vous décrirez brièvement le personnage et raconterez son parcours. Vous donnerez un titre à votre affiche et pourrez également y ajouter des slogans.
Il y a la loi et il y a les êtres humains. Cela ne va pas toujours ensemble.
Il y a le Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement et il y a les êtres humains. Cela ne va pas ensemble non plus.
Il y a des auteurs de bande dessinée : Mattotti, Gipi, Jouvray, Pedrosa, Kokor, Brüno, Plierre Place, F. Peeters et Alfred, qui s’engagent dans cet album. Ce sont des êtres humains qui parlent d’autres êtres humains.
Il y a Martine, une jeune Congolaise ; Serge l’Ivoirien ; Raïssa, la Tchétchène ; Rosalie Masimba, Congolaise encore ; Joao, 15 ans, Brésilien ; Mariem, 32, Sénégalaise ; Brahim Chedaf, 49, Marocain ;Malika, Tchétchène ; Osmane, Algérien. Ce sont aussi des êtres humains. Mais ce sont surtout des Sans papiers, qui ont dû fuir leur pays et la misère, et qui ont pensé naïvement que la France, Terre d’asile, les accueillerait et leur offrirait une vie meilleure. Ce sont aussi des êtres humains, qui souffrent, qui espèrent mieux, mais que l’on ne traite ni n’accueille comme des êtres humains.
« Ils m’ont violée. Ils m’ont fait n’importe quoi. », dit Martine, rejetée avec tant d’autres Africains sur le territoire marocain.
« Ils sont arrivés, ils nous ont pris et ils sont allés nous jeter dans le désert. », explique Serge, coincé lui aussi au Maroc.
« C’était un hôtel, mais dans cet hôtel, y avait pas d’eau chaude. La douche était dehors, et pour des enfants traumatisés qui ont peur de sortir, peur des gens, c’était très difficile … », témoigne Raïssa en arrivant en France.
« Quand on vient en France, nous sommes des chiens, nous sommes n’importe quoi, je souffre pendant des années toujours dans la rue comme ça. » constate Rosalie, contrainte à la prostitution pour survivre.
« Et je ne sais pas pourquoi les gens ne veulent pas de nous, comme ça. Je pense que les gens ont peur parce qu’ils pensent qu’on vient ici pour traîner dans la rue. », réfléchit Joao, dont les parents ne veulent jamais sortir de peur de se voir expulser.
« Un jour j’ai découvert que si j’ai envie d’aller au Sénégal, je ne peux pas y aller parce que j’ai pas de papiers. », comprend Mariem, réduite à l’esclavage par sa propre tante.
« Après huit ans passés en France, je suis devenu un sans-papiers faute d’avoir rempli ma demande de carte de séjour à temps. La situation est devenue infernale psychologiquement. » explique Brahim.
« Les enfants pleuraient, mon mari a demandé d’arrêter la voiture, même pour cinq minutes, pour que je puisse prendre l’air. Les quatre agents n’ont absolument pas voulu entendre nos prières. Les enfants ont même dit par la suite que sûrement ces gens-là étaient dépourvus de cœur. L’homme qui était assis à côté du chauffeur avait pris nos papiers et nous montrait clairement son dégoût de les avoir entre les mains. Il les manipulait comme des jouets, ce qui accentuait encore notre anxiété. » témoigne Malika alors qu’elle est transférée arbitrairement avec les siens de Clermont-Ferrand à Lyon.
« J’avais déjà reçu l’arrêté de reconduite à la frontière. Je savais que c’était terminé. » dit Osmane, militant dans des associations de défense des Sans-papiers.
Témoignages terribles que ces paroles-là, qui ne disent que la peur, l’anxiété, la misère, le dénuement, l’incompréhension, la déception …
Paroles fortes, émouvantes, qui résonnent de manière intense dans les images des neuf dessinateurs présents dans ce collectif. Ils donnent vie, chair et âme à ces êtres humains et montrent, s’il en était encore besoin, que derrière les statistiques et les arrêtés, il y a de vraies personnes. Il y a le noir, le très noir de Mattotti ; les ocres de Gipi qui montrent ici l’inhospitalité ; la mise en page dynamique, spiralée, de F. Peeters, traduisant l’inexorable et l’absurde ; les cases très fortes de Pierre Place, presque silencieuses, qui savent dire l’angoisse et la peur de l’avenir ; le visage de Joao, capturé en gros plan par Alfred, si jeune et si perplexe déjà devant une situation absurde aussi, et puis ses ombres menaçantes ; les gaufriers de Brüno et ses gris, qui soulignent la vie triste et répétitive de Mariem l’esclave et son enfermement ; une très belle case de Kokor, muette, dont la force et l’évidence valent tous les mots : Brahim, sur fond noir, dont on ne voit pas le visage, dont la veste à carreaux perd ses carreaux peu à peu, comme un arbre qui se dénude, parce que les années passent et que la vie passe, pour rien du tout ; les planches de Jouvray, aux tons très sombres, sur lesquelles se détachent les visages anxieux ; les couleurs pastel et chaudes de Pedrosa, pour le récit qui est sans doute le plus optimiste parmi toutes ces paroles.
Il y a aussi une préface d’Emmanuelle Béart, dont on connaît l’engagement dans la défense des Sans-papiers, ainsi qu’un très beau texte de José Munox, qui présidera le Festival d’Angoulême en janvier 2008 et qui raconte son expérience personnelle de sans-papier.
Enfin, l’album se prolonge par un dossier documentaire consacré à l’histoire de l’immigration, le rappel des faits depuis l’occupation de l’église Saint-Bernard en août 1991, l’état de lieux de l’immigration, les coordonnées des associations qui se battent depuis des années : Cimade, Migreurop, Gisti, Réseau Education Sans Frontières ainsi qu’une carte des centres de rétentions.
Alfred et David Chauvel ont voulu cet album manifeste pour une autre politique et l’ont dirigé. Et ils ont rudement bien fait parce qu’il est magnifique, humain, intelligent et poignant.
La bande dessinée est un média de masse. Et c’est bien et nécessaire qu’elle puisse aussi servir à cela : expliquer, dénoncer, remettre l’humain au centre de la vie !
Catherine Gentile
Pistes d'écriture :
Piste 1 – Il y a Martine, une jeune Congolaise ; Serge l’Ivoirien ; Raïssa, la Tchétchène ; Rosalie Masimba, Congolaise encore ; Joao, 15 ans, Brésilien ; Mariem, 32 ans, Sénégalaise ; Brahim Chedaf, 49 ans, Marocain ; Malika, Tchétchène ; Osmane, Algérien.
Neuf récits, neuf personnes, neuf destins, neuf vies contrariés : laquelle, parmi ces histoires de « sans papiers » vous a le plus touché (e). Dites-nous pourquoi.
Piste 2 - Il y a Martine, une jeune Congolaise ; Serge l’Ivoirien ; Raïssa, la Tchétchène ; Rosalie Masimba, Congolaise encore ; Joao, 15 ans, Brésilien ; Mariem, 32 ans, Sénégalaise ; Brahim Chedaf, 49 ans, Marocain ; Malika, Tchétchène ; Osmane, Algérien.
Réalisez une affiche au format A3 sur laquelle vous présenterez les 9 personnages de cet album témoignage. Vous choisirez pour chacun une vignette significative et dessous, vous ajouterez un petit texte dans lequel vous décrirez brièvement le personnage et raconterez son parcours. Vous donnerez un titre à votre affiche et pourrez également y ajouter des slogans.
14,90 euros
2009
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Société
Bande dessinée