L’élégance du hérisson

L'élégance du hérisson

L'élégance du hérisson

Gallimard / 2006

Auteur·rice : Muriel Barbery

Résumé
Premières lignes

"- Matx change totalement ma vision du monde, m'a déclaré ce matin le petit Pallières qui ne m'adresse d'ordinaire jamais la parole.
Antoine Pallières, héritier prospère d'une vieille dynastie industrielle, est le fils d'un de mes huit employeurs. Dernière éructation de la grande bourgeoise d'affaires -laquelle ne se reproduit que par hoquets propres et sans vices-, il rayonnait pourtant de sa découverte et me la narrait par réflexe, sans même songer que je puisse y entendre quelque chose. Que peuvent comprendre les masses laborieuses à l'oeuvre de Marc ? La lecture en est ardue, la langue soutenue, la prose subtile, la thèse complexe."

Le contenu

Après Une gourmandise, un premier roman paru en 2002 chez Gallimard aussi, Muriel Barbery signe ici son deuxième roman et montre d’évidentes qualités d’écriture et de narration.
Deux voix singulières se font entendre, alternées, et finissent par se trouver et se répondre.
Celle de Renée tout d’abord, cinquante-quatre ans, veuve et concierge du très chic immeuble du 7, rue de Grenelle, à Paris, où vivent des gens très chics, importants et riches, dans huit appartements luxueux de quelques centaines de mètres carrés chacun. « Je suis petite, laide, grassouillette, j’ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. »
Concierge, cette Renée ? Oui, sans doute, mais il ne faut pas de fier à l’apparence si négative qu’elle nous donne d’elle-même. Car Renée, même si elle vit seule avec son chat Léon (à cause de Tolstoï), même si elle n’a pas fait d’études, est une personne cultivée, instruite, délicate, qui ne se plaît qu’avec les romanciers russes, les peintres et les philosophes qu’elle a lus et compris, les films d’Ozu et toutes les subtilités et les émotions que peuvent procurer les Arts. Elle pourrait aisément en apprendre à tous les habitants de l’immeuble, mais elle se tait, se terre dans sa loge, se cache, dissimule, donne le change. Seule Manuela, son amie portugaise qui fait la femme de ménage et la pâtisserie avec un rare talent, sait qui elle est vraiment.
Celle de Paloma ensuite, douze ans, qui vit dans l’immeuble avec ses riches parents et sa sœur. « Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. […] Comme je n’ai pas trop envie qu’on me remarque et que dans une famille où l’intelligence est une valeur suprême, une enfant surdouée n’aurait jamais la paix, je tente, au collège, de réduire mes performances mais même avec ça, je suis toujours première. » Paloma se cache donc, elle aussi et porte sur le monde qui l’entoure un regard extrêmement lucide, sans concessions, Si lucide qu’elle décide de se suicider le jour de ses treize ans. En attendant, elle choisit d’écrire ses « Pensées profondes » et ses « Journaux du mouvement du monde », qui lui permettent de s’exprimer réellement sans craindre les réactions de son entourage. Elle apprend le japonais et aime aussi lire des mangas et adore en particulier les œuvres de Jiro Taniguchi.
Renée et Paloma, qui ont peu de relations au début du récit, racontent aussi, chacune de leur point de vue et de leur situation, les mouvements de l’immeuble, les habitants qui vont et viennent, avec leurs habitudes, leurs vanités, leurs signes extérieurs de richesse. Renée est une concierge, on l’ignore, se bornant à la saluer tout au plus ; Paloma est une enfant, on l’ignore aussi, pensant qu’elle n’a rien à dire.
Lorsque le célèbre critique gastronomique Pierre Arthens meurt enfin, son appartement est racheté par un certain Monsieur Kakuro Ozu, un Japonais fort riche, homme cultivé, discret et remarquable, qui possède deux chats, Kitty et Lévine (à cause de Tolstoï aussi). Madame Renée et Monsieur Ozu se trouvent rapidement, même si au départ, la concierge résiste et fait la concierge. Ils ont des goûts communs, des émotions et des passions semblables. Ozu apprivoise Renée qui devient son amie.
Paloma, pour échapper à une ambiance familiale qui la déprime, trouve refuge chez madame Renée qu’elle apprend à connaître et à aimer.
L’amitié de monsieur Ozu et sa constante attention, l’évident plaisir d’être ensemble, de partager des moments de bonheur, de délicieux gâteaux ou des chefs d’œuvre de la littérature permettent à Renée et à Paloma de sortir peu à peu de la coquille où elles s’étaient enfermées. Et si la vie valait finalement la peine d’être vécue, si elles pouvaient être elles-mêmes ?
On prend un plaisir énorme à déguster ce texte fort bien écrit, dont on sent derrière les mots ciselés de M. Barbery, tout le bonheur qu’elle éprouve à les agencer et à manier une langue dont elle maîtrise parfaitement les tours et les détours. Il est des livres dont la lecture rend heureux, des livres jubilatoires où l’on immerge sans réticence, tant les mots nous portent et nous parlent, et que l’on referme avec un pincement au cœur parce qu’on les a terminés. L’élégance du hérisson est de ceux-là et qu’est-ce que cela fait du bien ! Belle langue donc, inventive, élégante, qui vient sans effort apparent, pimentée d’humour et de quelques jolies scènes d’anthologie. Beaux personnages, dont l’élégance intérieure est profondément touchante. Cette Renée et la petite Paloma, qui côtoient quotidienne des gens éduqués, appartenant à la grande bourgeoise, les observent et ne sont pas dupes de l’apparence si brillante. Elles ne les envient pas, elles ne souhaitent pas se trouver à leur place car elles trouvent, dans la fréquentation des textes et des œuvres d’art des plaisirs bien plus grands et une richesse infinie.
Catherine Gentile

Pistes d'écriture :

Piste 1 - Renée, 54 ans, concierge depuis 27 ans au 7, rue de Grenelle, est une femme bien singulière, qui « joue » à la concierge et qui se cache derrière les apparences. Faites le portrait de Renée, dites-nous ses goûts, ses centres d’intérêt, quelle femme elle est vraiment …

Piste 2 – Paloma, 12 ans, veut se suicider le jour de son treizième anniversaire. Ecrivez-lui pour la convaincre de renoncer à cette idée.

Piste 3 – Paloma apprend le japonais, lit des mangas et aime beaucoup les albums de Jiro Taniguchi. Présentez-nous l’un des albums de ce mangaka japonais que vous avez particulièrement aimé.
20 euros
2009
Société
Roman