Sa majesté des clones
Mango (autres mondes) / 2002
Auteur·rice : Jean-Pierre Hubert
Faits et gestes :
Voici donc une vingtaine d'enfants et d'adolescents échoués sur une planète plutôt hospitalière au début du roman : une mer limpide, de l'eau potable en abondance, une forêt luxuriante regorgeant de plantes comestibles, un climat doux et tempéré. Tout pourrait donc se passer harmonieusement dans ce petit paradis, mais, très vite, les premiers heurts se produisent entre Elie, Cadet à la station-Ecole Mentor, un garçon blond, réfléchi et organisé, et Moelo, l'opposé d'Elie en tout : capitaine de l'équipe de palet, énergique et belliqueux, acceptant mal la domination d'Elie et l'unique pistolet laser que possède celui-ci.
Après quelques jours passés » à installer un campement, deux clans se forment nettement : le premier sous la protection d'Elie et de Tiggy, s'installe près d'un bassin d'eau douce ; le second, dirigé par Moelo, prend possession d'un vaisseau arachno (les ennemis et responsables du naufrage des enfants) échoué sur le rivage après une très violente tempête.
La séparation du groupe originel en deux clans montre clairement que les enfants ne sont ni naïfs, ni angéliques, mais, comme le dit très lucidement Tiggy p.98, « on est faits comme nos parents » et que leur passé, leur éducation, leurs personnalités vont induire leurs choix de société, donc leur vie future et leurs relations aux autres.
Le groupe d'Elie installe une micro-société basée sur le travail récompensé par l'argent, sur l'effort, sur la mise en valeur des compétences de chacun, sur la tolérance et le respect.
Moelo, au contraire, met en place un groupe de guerriers, où ne sont reconnus que la force brute et l'autorité brutale, où les filles deviennent des esclaves, où l'on ne produit rien, se contentant de piller les ressources à disposition.
La dimension SF tient en deux éléments principaux : la machine qui se trouve à bord du vaisseau arachno de Moelo et sa bande, machine mystérieuse et indéchiffrable que les garçons, en apprentis sorciers inconscients, vont utiliser n'importe comment, créant ainsi leur propre enfer : l'arachno blessée et abandonnée qu'Elie et les siens vont recueillir, l'ennemie qu'ils vont soigner malgré quelques débats au sein du groupe, et avec laquelle ils vont peu à peu tisser des liens amicaux, une fois la connaissance et la compréhension mutuelles établies.
Signes particuliers :
Une terre inconnue, un groupe humain qui y échoue dans une situation de détresse et de dénuement et qui doit s'organiser pour y vivre : tels sont les points de départ de bons nombres de romans d'aventures classiques, inaugurés avec le Robinson Crusoé de Daniel Defoë.
Depuis ce pionnier du genre, on a pu lire bien d'autres Robinsonnades : Vendredi ou la vie sauvage, de Michel Tournier , l'Ile du docteur Moreau, de H.G. Wells, l'Etoile mystérieuse, d'Hergé, et plus récemment Sa majesté des mouches, de W.Golding et le Royaume de Kensuké, le magnifique roman initiatique de Michaël Morpurgo.
Le tout dernier roman de Jean-Pierre Hubert s'inscrit donc dans cette prestigieuse filiation et il fait très explicitement référence à l'œuvre de Goding : par son titre tout d'abord, par la première et la dernière phrase du roman : « le Garçon blond descendit les derniers rochers et se dirigea vers la lagune en regardant où il posait les pieds ». « … le regard fixé sur le cuirassé aux lignes sobres, immobile au loin ». (J.P. Hubert s'en explique dans la postface) et par les Robinsons qu'il installe sur cette planète : un groupe d'enfants et d'adolescents livrés à eux-mêmes, sans aucun adulte. A la différence près que Hubert y introduit quelques filles, dont Tiggy, l'adolescente rousse aux formes généreuses qui est, selon le point de vue des garçons, mère consolatrice, médecin, soutien sans faille ou objet de convoitise pour des virilités naissantes.
Bref, on l'aura compris, voici un roman intéressant à plus d'un titre, riche par la densité de l'action et par les thèmes qu'il traite.
Si avec cela, on dit encore que la SF ne donne pas matière à réfléchir sur notre monde et sur les sociétés que l'on y bâtit, c'est à n'y rien comprendre !
Un texte qui peut se lire dès 10 ans et qui intéressera aussi tous les « grands » lecteurs : mais n'est-ce pas le propre d'un Bon roman ?
Catherine Gentile, documentaliste
Voici donc une vingtaine d'enfants et d'adolescents échoués sur une planète plutôt hospitalière au début du roman : une mer limpide, de l'eau potable en abondance, une forêt luxuriante regorgeant de plantes comestibles, un climat doux et tempéré. Tout pourrait donc se passer harmonieusement dans ce petit paradis, mais, très vite, les premiers heurts se produisent entre Elie, Cadet à la station-Ecole Mentor, un garçon blond, réfléchi et organisé, et Moelo, l'opposé d'Elie en tout : capitaine de l'équipe de palet, énergique et belliqueux, acceptant mal la domination d'Elie et l'unique pistolet laser que possède celui-ci.
Après quelques jours passés » à installer un campement, deux clans se forment nettement : le premier sous la protection d'Elie et de Tiggy, s'installe près d'un bassin d'eau douce ; le second, dirigé par Moelo, prend possession d'un vaisseau arachno (les ennemis et responsables du naufrage des enfants) échoué sur le rivage après une très violente tempête.
La séparation du groupe originel en deux clans montre clairement que les enfants ne sont ni naïfs, ni angéliques, mais, comme le dit très lucidement Tiggy p.98, « on est faits comme nos parents » et que leur passé, leur éducation, leurs personnalités vont induire leurs choix de société, donc leur vie future et leurs relations aux autres.
Le groupe d'Elie installe une micro-société basée sur le travail récompensé par l'argent, sur l'effort, sur la mise en valeur des compétences de chacun, sur la tolérance et le respect.
Moelo, au contraire, met en place un groupe de guerriers, où ne sont reconnus que la force brute et l'autorité brutale, où les filles deviennent des esclaves, où l'on ne produit rien, se contentant de piller les ressources à disposition.
La dimension SF tient en deux éléments principaux : la machine qui se trouve à bord du vaisseau arachno de Moelo et sa bande, machine mystérieuse et indéchiffrable que les garçons, en apprentis sorciers inconscients, vont utiliser n'importe comment, créant ainsi leur propre enfer : l'arachno blessée et abandonnée qu'Elie et les siens vont recueillir, l'ennemie qu'ils vont soigner malgré quelques débats au sein du groupe, et avec laquelle ils vont peu à peu tisser des liens amicaux, une fois la connaissance et la compréhension mutuelles établies.
Signes particuliers :
Une terre inconnue, un groupe humain qui y échoue dans une situation de détresse et de dénuement et qui doit s'organiser pour y vivre : tels sont les points de départ de bons nombres de romans d'aventures classiques, inaugurés avec le Robinson Crusoé de Daniel Defoë.
Depuis ce pionnier du genre, on a pu lire bien d'autres Robinsonnades : Vendredi ou la vie sauvage, de Michel Tournier , l'Ile du docteur Moreau, de H.G. Wells, l'Etoile mystérieuse, d'Hergé, et plus récemment Sa majesté des mouches, de W.Golding et le Royaume de Kensuké, le magnifique roman initiatique de Michaël Morpurgo.
Le tout dernier roman de Jean-Pierre Hubert s'inscrit donc dans cette prestigieuse filiation et il fait très explicitement référence à l'œuvre de Goding : par son titre tout d'abord, par la première et la dernière phrase du roman : « le Garçon blond descendit les derniers rochers et se dirigea vers la lagune en regardant où il posait les pieds ». « … le regard fixé sur le cuirassé aux lignes sobres, immobile au loin ». (J.P. Hubert s'en explique dans la postface) et par les Robinsons qu'il installe sur cette planète : un groupe d'enfants et d'adolescents livrés à eux-mêmes, sans aucun adulte. A la différence près que Hubert y introduit quelques filles, dont Tiggy, l'adolescente rousse aux formes généreuses qui est, selon le point de vue des garçons, mère consolatrice, médecin, soutien sans faille ou objet de convoitise pour des virilités naissantes.
Bref, on l'aura compris, voici un roman intéressant à plus d'un titre, riche par la densité de l'action et par les thèmes qu'il traite.
Si avec cela, on dit encore que la SF ne donne pas matière à réfléchir sur notre monde et sur les sociétés que l'on y bâtit, c'est à n'y rien comprendre !
Un texte qui peut se lire dès 10 ans et qui intéressera aussi tous les « grands » lecteurs : mais n'est-ce pas le propre d'un Bon roman ?
Catherine Gentile, documentaliste
2003
Science Fiction
Roman