Turandot
HongFei Cultures / 2013
Auteur·rice : Thierry Dedieu
Illustrateur·rice : Thierry Dedieu
Premières lignes
"Il y eut le temps de la guerre et celui des peurs.
Puis vint le temps de la trêve et celui des pleurs.
Durant ces années de batailles, le prince Calaf montra sa force et sa clémence, son habileté dans l'art de la guerre et dans celui de la diplomatie.
Malgré cela, les armées ennemies ont vaincu et l'ont chassé de son pays.
Sur ce chemin qui le mène en Chine, il est un parfait inconnu.
Il a laissé ses armes et ses armoiries pour d'autres emblèmes moins identifiables. C'est une nouvelle vie qu'il vient chercher."
Le contenu
Les histoires et les personnages ont parfois le pouvoir, tant elles sont fortes, de voyager à travers les continents et de franchir les frontières, avec ou sans papier (s).
C’est le cas de la belle et cruelle Turandot, princesse de Chine, qui ne voulait pas se marier.
C’est l’opéra de Puccini, composé en 1924 et créé à Milan en avril 1926, qui lui donna son caractère universel.
Il n’est donc pas étonnant que Thierry Dedieu, dont les registres esthétiques sont contrastés et très larges, s’empare à son tour de ce récit de grande dimension.
Le conte est librement adapté de l’Histoire du prince Calaf et de la princesse de la Chine, de François Pétis de La Croix, orientaliste français connu pour l’édition de ses Mille et un jours, entre 1710 et 1712.
L’on entre dans le Turandot de Dedieu comme l’on entrerait à l’opéra : la page rouge que l’on tourne pour accéder à l’histoire est le rideau rouge qui s’ouvre pour dévoiler la scène.
Un prologue, quatre chapitres – actes et un épilogue déroulent la trame de la confrontation extraordinaire de Turandot et de celui qu’elle finit par respecter, aimer et épouser, le prince Calaf venu de Perse.
Calaf, guerrier émérite, est pourtant vaincu par les troupes du sultan et contraint à l’exil en Chine. Ā Pékin, la fille du roi, Turandot, 19 ans, belle, cultivée, intelligente et indépendante, fait tomber les têtes des prétendants qui ne savent pas résoudre les trois énigmes qu’elle leur soumet. Telle est la règle qu’elle a trouvée pour n’épouser personne.
Pourtant, lorsque Calaf arrive incognito à la cour, il tombe aussitôt amoureux de Turandot, la demande en mariage à son père en sachant qu’il risque sa vie.
L’on n’a pas à faire ici à une banale histoire de princesse qui attendrait un prince charmant. Turandot a été éduquée comme un garçon et, si elle ne veut pas se marier, c’est pour préserver sa liberté. Si elle change d’avis, c’est parce qu’elle trouve en Calaf un adversaire à sa mesure qui la traite d’emblée en égale. Les deux personnages s’affrontent dans un duel passionnant où sont mises en avant la qualité et la vivacité de leur esprit, duel qui se transforme peu à peu en un jeu de séduction subtil dont eux seuls tissent les codes. En cela, le récit est d’une étonnante modernité.
Pour le mettre en scène, Dedieu a choisi le parti de l’épure et du caractère. Les personnages évoluent sur des pages blanches, où le décor est réduit au minimum. Ils sont dessinés d’un trait vif, allant à l’essentiel, captant les postures et les expressions des visages, placés parfois presque hors cadre, tout comme les éléments de décors. L’illustrateur ne censure pas non plus les scènes cruelles, lors des batailles par exemple, où les chevaux caparaçonnés supportent de lourds guerriers se battant à mot, ou bien celle de la décapitation d’un prétendant.
Quant au travail d’adaptation du texte, voici ce qu’explique Dedieu dans une interview publiée sur le site de son éditeur :
« En premier lieu, j’ai découvert, à mon grand étonnement, qu’il s’agissait d’une histoire créée par un Français : François Pétis de La Croix. Ensuite, j’ai lu l’histoire. J’ai trouvé la trame plaisante mais sans plus. Et pourtant, lorsqu’il m’arrivait de la raconter au cours de rencontres scolaires, je voyais mon assistance silencieuse et qui buvait mes paroles ! Filles, garçons, enfants ou adultes étaient suspendus à mes mots. J’ai soudain pris conscience de la force de ce récit. Mais ce qui m’a le plus séduit, c’est la langue proposée par Pétis de La Croix. Moi qui suis un amoureux de la langue français, je découvrais un auteur très peu connu et qui, à mes yeux rivalise avec un Flaubert que je tiens pour le plus grand auteur français. Ā tel point qu’il me semblait « criminel » de changer une virgule au texte initial. J’avançais dans mes recherches graphiques, et j’étais « bloqué » sur sa réécriture. […] Ce travail de remise à niveau dans un langage contemporain plus accessible aux lecteurs d’aujourd’hui a été douloureux. Je ne voulais en aucun cas trahir l’auteur. J’ai essayé de garder l’esprit autant que la lettre du texte, en intervenant le moins possible.
Bien sûr, il a fallu « tailler », j’espère l’avoir fait comme on taille un rosier, respectueux du plant, pour mieux voir s’épanouir la fleur ».
Les cultures d’Asie ont inspiré Dedieu à plusieurs reprises. Citons Feng (Le Seuil, 1995), Le Maître des estampes (Le Seuil, 2010) et Dragons de poussière (HongFei cultures, 2012).
Catherine Gentile
"Il y eut le temps de la guerre et celui des peurs.
Puis vint le temps de la trêve et celui des pleurs.
Durant ces années de batailles, le prince Calaf montra sa force et sa clémence, son habileté dans l'art de la guerre et dans celui de la diplomatie.
Malgré cela, les armées ennemies ont vaincu et l'ont chassé de son pays.
Sur ce chemin qui le mène en Chine, il est un parfait inconnu.
Il a laissé ses armes et ses armoiries pour d'autres emblèmes moins identifiables. C'est une nouvelle vie qu'il vient chercher."
Le contenu
Les histoires et les personnages ont parfois le pouvoir, tant elles sont fortes, de voyager à travers les continents et de franchir les frontières, avec ou sans papier (s).
C’est le cas de la belle et cruelle Turandot, princesse de Chine, qui ne voulait pas se marier.
C’est l’opéra de Puccini, composé en 1924 et créé à Milan en avril 1926, qui lui donna son caractère universel.
Il n’est donc pas étonnant que Thierry Dedieu, dont les registres esthétiques sont contrastés et très larges, s’empare à son tour de ce récit de grande dimension.
Le conte est librement adapté de l’Histoire du prince Calaf et de la princesse de la Chine, de François Pétis de La Croix, orientaliste français connu pour l’édition de ses Mille et un jours, entre 1710 et 1712.
L’on entre dans le Turandot de Dedieu comme l’on entrerait à l’opéra : la page rouge que l’on tourne pour accéder à l’histoire est le rideau rouge qui s’ouvre pour dévoiler la scène.
Un prologue, quatre chapitres – actes et un épilogue déroulent la trame de la confrontation extraordinaire de Turandot et de celui qu’elle finit par respecter, aimer et épouser, le prince Calaf venu de Perse.
Calaf, guerrier émérite, est pourtant vaincu par les troupes du sultan et contraint à l’exil en Chine. Ā Pékin, la fille du roi, Turandot, 19 ans, belle, cultivée, intelligente et indépendante, fait tomber les têtes des prétendants qui ne savent pas résoudre les trois énigmes qu’elle leur soumet. Telle est la règle qu’elle a trouvée pour n’épouser personne.
Pourtant, lorsque Calaf arrive incognito à la cour, il tombe aussitôt amoureux de Turandot, la demande en mariage à son père en sachant qu’il risque sa vie.
L’on n’a pas à faire ici à une banale histoire de princesse qui attendrait un prince charmant. Turandot a été éduquée comme un garçon et, si elle ne veut pas se marier, c’est pour préserver sa liberté. Si elle change d’avis, c’est parce qu’elle trouve en Calaf un adversaire à sa mesure qui la traite d’emblée en égale. Les deux personnages s’affrontent dans un duel passionnant où sont mises en avant la qualité et la vivacité de leur esprit, duel qui se transforme peu à peu en un jeu de séduction subtil dont eux seuls tissent les codes. En cela, le récit est d’une étonnante modernité.
Pour le mettre en scène, Dedieu a choisi le parti de l’épure et du caractère. Les personnages évoluent sur des pages blanches, où le décor est réduit au minimum. Ils sont dessinés d’un trait vif, allant à l’essentiel, captant les postures et les expressions des visages, placés parfois presque hors cadre, tout comme les éléments de décors. L’illustrateur ne censure pas non plus les scènes cruelles, lors des batailles par exemple, où les chevaux caparaçonnés supportent de lourds guerriers se battant à mot, ou bien celle de la décapitation d’un prétendant.
Quant au travail d’adaptation du texte, voici ce qu’explique Dedieu dans une interview publiée sur le site de son éditeur :
« En premier lieu, j’ai découvert, à mon grand étonnement, qu’il s’agissait d’une histoire créée par un Français : François Pétis de La Croix. Ensuite, j’ai lu l’histoire. J’ai trouvé la trame plaisante mais sans plus. Et pourtant, lorsqu’il m’arrivait de la raconter au cours de rencontres scolaires, je voyais mon assistance silencieuse et qui buvait mes paroles ! Filles, garçons, enfants ou adultes étaient suspendus à mes mots. J’ai soudain pris conscience de la force de ce récit. Mais ce qui m’a le plus séduit, c’est la langue proposée par Pétis de La Croix. Moi qui suis un amoureux de la langue français, je découvrais un auteur très peu connu et qui, à mes yeux rivalise avec un Flaubert que je tiens pour le plus grand auteur français. Ā tel point qu’il me semblait « criminel » de changer une virgule au texte initial. J’avançais dans mes recherches graphiques, et j’étais « bloqué » sur sa réécriture. […] Ce travail de remise à niveau dans un langage contemporain plus accessible aux lecteurs d’aujourd’hui a été douloureux. Je ne voulais en aucun cas trahir l’auteur. J’ai essayé de garder l’esprit autant que la lettre du texte, en intervenant le moins possible.
Bien sûr, il a fallu « tailler », j’espère l’avoir fait comme on taille un rosier, respectueux du plant, pour mieux voir s’épanouir la fleur ».
Les cultures d’Asie ont inspiré Dedieu à plusieurs reprises. Citons Feng (Le Seuil, 1995), Le Maître des estampes (Le Seuil, 2010) et Dragons de poussière (HongFei cultures, 2012).
Catherine Gentile
21,90 euros
2014
2014
5è
Album