U4 : Yannis
Nathan et Syros / 2015
Auteur·rice : Florence Hinckel
Les premières lignes
« 1er Novembre, 8h00
Il glisse sur l’eau.
Le monde est un train de finir. Des flammes dansent et lèchent le ciel derrière moi. Et je ne peux détacher mon regard de cette chose, là, qui flotte.
J’ai le cœur en mille milliards de morceaux, les pieds dans le chaos, et le soleil est froid sur mon visage. Le ferry-boat dérive doucement sous le palais du Pharo, comme une coquille de noix perdue, sans attache. Le soleil éclaire le port et un reflet se fiche dans mon œil. C’est le bouton brillant d’une veste. La veste du corps qui glisse sur l’eau.
C’est le premier que je vois. Un cadavre met plusieurs jours à remonter à la surface. Beaucoup d’autres vont suivre, et le port va devenir méconnaissable.
Le contenu
En date du 1er Novembre, un virus dévastateur nommé U4 s’est propagé dans toute l’Europe épargnant seulement les adolescents de 15 à 18 ans vaccinés contre lui et laissant derrière lui dévastation, violence et mort. En totale absence d’électricité, d’eau potable, les adolescents survivants ont dû s’organiser pour faire face aux hordes de pilleurs qui ont vu le jour, pour soigner les jeunes blessés ou les malades, pour trouver de quoi se sustenter.
En date du 1er novembre, aux quatre coins de France (en Bretagne, à Marseille, à Lyon et Paris), quatre experts du jeu en ligne Warriors of time reçoivent un message du maître du jeu Kronos les intimant de se retrouver tous le 24 décembre à minuit sous la plus vieille horloge de Paris afin de remonter le temps et de le modifier pour éviter cette épidémie.
Yannis , jeune maghrébin marseillais est l’un d’entre eux. Depuis la catastrophe, ce dernier ayant perdu ses parents et sa petite sœur, est désormais orphelin. Timoré mais d’une gentillesse sincère, il reste d’abord prostré chez lui. Motivé par l’idée de trouver de l’aide auprès de son meilleur ami RV, aux côtés de son chien Happy, dissimulant sa couardise derrière le courage virtuel de son avatar Adrial, Yannis décide de quitter l’appartement où il se terre. Puis les patrouilles d’adolescents qui rôdent, le fait que les rats qui ont pris le contrôle de la ville et l’assassinat de RV devant ses propres yeux finissent par décider Yannis à se rendre au rendez-vous fixé à Paris par Kronos.
Ainsi commence le long périple truffé d’embûche de cet adolescent qui au fil de son voyage découvrira certes toute la violence dont est capable l’espèce humaine, mais également l’amitié et l’amour véritables auprès de compagnons de route. Véritable parcours initiatique pour l’adolescent, ce voyage, unique espoir pour lui de retrouver ses parents vivants, bouleversera sa vie à jamais…
Le lecteur apprendra ainsi au travers de ce récit à la première personne non seulement à mieux connaître Yannis dont la personnalité n’aura de cesse d’évoluer tout au long du roman, mais il fera également la rencontre de Stéphane, Jules et Kori qui sont les personnages éponymes des trois autres romans constitutifs de la série U4.
Ce roman de Forence Hinckel –et partant le concept d’une série écrite par 4 auteurs – marque un tournant dans l’histoire de la littérature jeunesse. A la croisée des genres entre utopie, dystopie, roman initiatique, autofiction, ce roman s’avère inclassable et étonnera par sa forme même et son contenu son lectorat. La narration à la première personne fait que l’on s’attache inévitablement au personnage de Yannis dont on partage la solitude, la sensibilité et l’extrême générosité : générosité et altruisme qui feront passer le jeune homme du statut de personnage à celui de véritable héros.
Dans l’univers post apocalyptique dépeint par l’auteure, les valeurs d’entraide, de respect de l’être humaine et de la nature sont des repères pour lui et pour ses proches. Par son contenu et notamment la thématique de la reconstruction d’une société par des enfants après la disparition des adultes, ce roman semble dans un premier temps s’inscrire dans la droite ligne de celui de «Sa majesté des mouches » dans lequel William Golding mettait en lumière la cruauté des enfants pour mieux s’en détacher en approfondissant et en modernisant la problématique initiale par un détour par la science-fiction et par conséquent une réflexion sur le monde et les valeurs que les adultes d’aujourd’hui offriront à leurs descendants. Florence Hinckel signe donc ici une œuvre fictionnelle origine de qualité tant sur la forme que sur le contenu.
L’on a donc hâte de prolonger et de compléter cette lecture par celle des trois autres romans proposés par Yves Grevet, Carole Trébor et Vincent Villeminot et d’apprendre à mieux connaître Koridwen, Jules et Stéphane.
Hélène Dargagnon
16,90 euros
Collection Grand Format