C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du blanc

C'est l'Inuit qui gardera le souvenir du blanc

C'est l'Inuit qui gardera le souvenir du blanc

Le navire en pleine ville / 2006

Auteur·rice : Lilian Bathelot

Résumé
Premières lignes :
"La lame du ulu dérapait sur les os, tranchait moins nettement les chairs. Kissimiipunga essuya la sueur de son front d’un revers fiévreux avant de plonger une nouvelle fois son couteau à l’intérieur de la cuisse du caribou."


Le contenu

Mai 2098 : imaginons une société mondiale hyper technologique, où les satellites veillent et surveillent tout en temps réel, où tout est relié et connecté. Il y a deux sortes de zones, deux sortes de gens : la zone sécurisée où l’on porte un implant, c’est là que vivent les résidents implantés. « En zone sécurisée, les achats, les revenus, la santé – les humeurs même ! - des résidents implantés laissaient toujours une trace quelque part dans les logs des terminaux des télécom, des banques, des hôpitaux, des administrations, des centres commerciaux sans parler de ceux de la police et de la sécurité… » En zone franche, par contre, les gens n’ont pas d’implant et tout y est plus incontrôlable, opaque, dangereux, sauvage …
Pourtant, il existe encore sur la planète quelques niches, quelques terres où l’on peut encore respirer, où l’on n’est relié à rien, sinon à soi-même, au sol où l’on marche, à l’environnement où l’on évolue, aux gens dont on est issu. C’est le cas du territoire Inuit, où les hommes tentent de garder la raison et de ne pas oublier d’où ils viennent ni qui ils sont, sans rejeter malgré tout certaines avancées technologiques.
On va suivre en parallèle deux histoires et des personnages qui semblent à priori à des années-lumière les uns des autres. Kisimiippunga vit en République Inuit Indépendante et, au moment où on fait sa connaissance, elle est seule avec son traîneau et ses chiens ; elle vient de tuer le caribou qu’elle pourchassait sur ces terres gelées avec les armes traditionnelles de son peuple. Elle vient de terminer sa Première Chasse, comme ses ancêtres, et elle a donc accompli l’un des rites essentiels dans la vie d’un Inuit. Mais deux événements insolites viennent la troubler : l’irruption dans son désert blanc d’un traîneau où repose un homme blanc, inconscient et blessé ; l’annonce que son compagnon Knud, un jeune Danois adopté par la communauté Inuit, a disparu après l’attaque incompréhensible du parc d’élevage de narvals que le village entretient et exploite pour sa survie.
Réunion de crise dans la zone sécurisée de Montpellier, La Gauffre et Damien Coste, officiers de la Sécurité Nationale, sont à la recherche d’un autre officier, Manuel Diaz, disparu après s’être débarrassé de son implant. On les informe aussi que l’ensemble des territoires des Nations Premières, c’est-à-dire états encore habités par leurs peuples indigènes, comme le Groenland, la Laponie, l’Australie ou l’Océanie, échappe à la surveillance des satellites mis en place par les pays sécurisés du G5, disparaissant des cartes établies. Diaz enquêtait sur ce phénomène. La Gauffre et Coste mènent l’enquête, qui va les entrainer jusqu’au Groenland, sur la piste de l’homme que Kisimii vient de trouver et de soigner, et ils vont chercher à comprendre pourquoi les Narvals ont une telle importance pour les Inuit.

Lilian Bathelot signe un bon roman de science-fiction écologique, et dépeint un monde très nettement scindé en deux, selon des critères technologiques bien sûr, mais aussi économiques, philosophiques ou éthiques. Il utilise une narration très efficace, maîtrisée, où l’on ne comprend et n’appréhende les deux mondes que très progressivement, par un habile jeu de récits alternés. Les personnages qu’il met en scène sont intéressants et tous crédibles, qu’il s’agisse de l’officier La Gauffre, droit dans ses bottes au départ, qui refuse de se poser des questions mais qui évoluera au fil du roman, de Damien Coste, qui porte sur le monde un regard plus mesuré et plus critique, de Manuel Diaz dont l’enquête l’amène à changer radicalement d’attitude, ou de Kisimmi, la jeune Inuit, qui est aussi chercheuse et dont les travaux très pointus servent la cause de son peuple sans qu’elle n’en ait conscience au départ.


On est donc très vite happé par ce roman, par le suspense qui ne faiblit jamais, par les thèmes majeurs dont il est question. Le plus terrible dans tout cela, c’est que le monde que L. Bathelot imagine n’est pas si éloigné du nôtre. Ne sommes-nous pas des implantés déjà, avec nos ordinateurs reliés à Internet, nos téléphones portables, nos cartes de crédit, de fidélité ou de sécurité sociale alors que les femmes éthiopiennes font quotidiennement des kilomètres à pied pour aller chercher l’eau de la vie ?
Catherine Gentile

Piste d’écriture :

Les Inuits, qu’on appelle encore parfois les Esquimaux, qui sont-ils ? Comment vivent-ils ? Que deviennent-ils dans notre monde moderne ?
Etablissez une fiche documentaire sur ce peuple, sous la forme d’un dépliant touristique.

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