La comédie des ogres

La comédie des ogres

La comédie des ogres

Albin Michel / 2002

Auteur·rice : Fred Bernard
Illustrateur·rice : François Roca

Résumé
Faits & gestes :
Un couple d’ogre, Cézanne et Goya, s’inquiète du choix du cadeau
à faire à son enfant, Vermeer, à l’occasion de sa soixante-quatorzième dent.
Et ce sera…. Un enfant, un petit d’homme !
Bien qu’il soit très dangereux de s’aventurer hors de la forêt,
ils vont réussir à capturer Paul, à le mettre en cage et à l’offrir à l’ogrillon.
Au travers des barreaux, un dialogue s’engage, plein d’intimidation et de méfiance, entre les deux enfants aux apparences si distinctes.
C’est alors que Paul, sans doute par ruse au départ, réussit à transmettre à Vermeer, l’envie de voir la mer.
C’est une quête initiatique qui va commencer à la fin de ce premier acte.

Mais l’ogrillon est capturé par les humains partis à la recherche de l’enfant disparu, et se retrouve prisonnier dans un château-fort.
Désormais, c’est l’ogre qui est en cage. Fin du deuxième acte.

Les deux enfants sont désormais liés profondément,
et le troisième acte est celui du stratagème de Paul,
aidé de sa sœur, pour libérer Vermeer.
Il va lui offrir non seulement la liberté en lui permettant de s’enfuir,
mais aussi un cadeau inoubliable pour le restant d’une vie :
la découverte du bruit de la mer, un cadeau cosmique
qui unit les êtres même géographiquement éloignés.

La chouette, omniprésente dans le texte et dans l’image,
est comme une conscience discrète :
elle a tout vu depuis la première dent de l’ogrillon, mais ne dit rien.
C’est ce témoin nocturne de la lueur intime qui se nomme amitié.

Signes particuliers :
C’est sur un spectacle insolite et somptueux que le rideau va se lever,
dévoilant, en décor naturel, une forêt profonde.
Les personnages-comédiens visibles sont les ogres, les simples humains,
la chouette… mais les premiers rôles sont dévolus à d’autres personnages,
invisibles à l’image, que sont l’émotion, l’amitié, l’étrangeté.

C’est par la lumière et les couleurs que cette inversion se produit :
au premier plan, les effets esthétiques éclatent.
Loin d’être gratuits, ils sont au service d’une histoire étonnante
qu’ils amplifient en retour.
Le fond et la forme, au fil de l’album, se tissent l’un l’autre, selon un crescendo
qui fait grandir aussi le lecteur et finit joliment avec une pointe d’humour.

C’est un parcours du cœur depuis la forêt des origines, inquiétante
ou protectrice selon que l’on est ogre ou humain, vers un monde apaisé.
La domination de la peur de l’autre, surtout s’il est si différent de soi,
ne peut survenir que par l’expérience d’une vraie rencontre.
Une rencontre qui engage tout l’être au secours d’ un autre.
Cette comédie en trois actes, fait penser en filigrane aux âges de la vie :
trois étapes vers la sagesse.

La puissance dramatique est magnifiquement restituée par le style
de François Roca : les images incandescentes, les angles de prise de vue inhabituels, les proportions et les couleurs se jouent de la réalité.
Le travail pictural de Roca réussit ici encore à réunir les contraires :
une facture hyperréaliste produisant des effets fantasmagoriques.
Valérie Négrel
2003
Cycle 1
Aventure
Album / Conte