Max

Max

Max

Gallimard jeunesse / 2012

Auteur·rice : Sarah Cohen-Scali

Résumé
Premières lignes

« Nous sommes le 19 avril 1936. Bientôt minuit.
J’aurais dû naître hier déjà, mais je n’ai pas voulu. La date ne me convenait pas.[…]
Mon vœu, le premier de ma vie à tenir, est de voir le jour le 20 avril. Parce que c’est la date anniversaire de notre Führer. Si je nais le 20 avril, je serai béni des dieux germaniques, et l’on verra en moi le premier né de la race suprême. […]
A l’heure où je vous parle, je suis dans le ventre de ma mère et ma naissance est imminente. »

Le contenu

Dès l’incipit, le narrateur très précoce de ce roman historique à la première personne fait voler en éclats le concept même de pacte autobiographique afin de mieux plonger le lecteur dans une autofiction : un enfant qui n’est même pas encore né est chargé de la narration ! Il n’est plus en effet question ici de sincérité ou de confiance entre narrateur et lecteur, mais d’un témoignage à l’état brut, tellement brut qu’il apparaît d’ailleurs à maintes reprises intenable.
Max naît le 20 avril 1936 à Steinhöring, en Bavière, dans un « Lebensborn », autrement dit un foyer où des femmes sélectionnées, conformes aux critères aryens, mettent au monde des enfants qu'elles offrent au Führer, et partant au IIIème Reich, afin d’œuvrer à la prolifération de la race aryenne en Allemagne et en Europe.
L’on suit ainsi de sa naissance à ses neuf ans le devenir de cet enfant, par la suite rebaptisé Konrad, fruit du nazisme dont il se veut un fidèle représentant, puis l’on assiste à sa brutale prise de conscience suite à la rencontre de Lukas, jeune garçon polonais kidnappé par les nazis, qui viendra ébranler non seulement par son physique et l’amitié qu’il lui témoigne, des croyances idéologiques jusqu’alors fortement ancrées.
Ce roman historique semble d’un genre nouveau dans la littérature jeunesse dans la mesure où une importante documentation vient nourrir une fiction seule apte à rendre compte d’un pan terrifiant de l’histoire européenne du XXème siècle. Comment par le détour de la fiction, le lecteur parvient-il à prendre conscience d’une réalité historique terrifiante et encore méconnue ? Comment la fiction devient-elle pour l’auteure de ce roman une arme efficace de dénonciation ?
L’intrigue de ce roman s’appuie donc tout d’abord sur une documentation riche et des faits historiques rarement évoqués dans les manuels d’histoire, les documentaires ou les fictions, et qui attestent pourtant très clairement de l’idéologie nazie (tels que l’existence de « Lebensborn » ou l’enlèvement d’enfants juifs polonais destinés à être « germanisés » parce qu’ils correspondant aux critères physiques de la race aryenne).
Cette idéologie est incarnée en second lieu par un enfant dont les propos cinglants et cyniques rapportés à la première personne n’ont de cesse, dès le début du roman, de révulser le lecteur qui reste malgré lui emporté par l’intrigue. Les mots délibérément provocateurs, empreints de racisme et décalés de la part d’un enfant dérangent. Et malgré l’utilisation de la première personne, le lecteur a des difficultés à s’identifier à Max ou à éprouver de l’empathie à l’égard de cet anti-héros qui donne à voir la réalité à l’aune froide et destructrice de la politique nazie.
Le narrateur au lieu de rechercher l’adhésion du lecteur, le choque, le provoque et paradoxalement l’ « attire». Ce dernier se met alors en tête de chercher une faille dans ce monstre enfanté par le IIIème Reich. C’est heureusement dans l’amitié qui se tisse entre Max et Lukas, qu’il trouve , avec soulagement, un souffle d’humanité dans la seconde moitié du roman.
Ce va-et-vient entre répulsion et proximité de la part du lecteur à l’égard de Max étonne et témoigne des recherches et des procédés stylistiques menés par Sarah Cohen-Scali dont l’écriture, forte et sans ambage, dénonce les exactions commises à l’égard des enfants durant la seconde Guerre mondiale.

Ajoutons en guise de conclusion que, par les sentiments contradictoires qu’il provoque chez le lecteur, par la réflexion qu’il requiert et entraîne tout à la fois, ce percutant roman de littérature jeunesse se voit plutôt destiné plutôt aux grands adolescents, à partir de 15-16 ans.


Hélène Dargagnon


Pistes d'écriture

1 - A l’arrivée de l’armée russe à Berlin en 1945, Max, Manfred et Lukas trouvent refuge la nuit dans la cave de l’appartement qu’occupaient les parents de Manfred avant guerre. Ils y retrouvent chaque nuit d’anciens voisins et d’autres inconnus qui n’ont nulle part où aller.
Imagine que cette belle et grande femme blonde élégante (p.396) qui n’a de cesse de regarder une photo que personne ne parvient à voir (et qui, le lecteur l’apprendra plus tard, est en fait la mère biologique du personnage éponyme du roman) reconnaisse Max et s’appuie sur la photo pour le lui prouver. Elle lui exprime ses regrets de l’avoir laissé aux mains des nazis dans le lebensborn de Steinhörig. Elle lui demande pardon…Rédige le dialogue qui aurait pu avoir lieu à cette occasion entre les deux personnages. ( une à deux pages maximum )

2 - Un après-midi, dans la Napola de Potsdam, école nazie que fréquentent Max et Lukas, un autodafé de livres écrits par Bertold Brecht, Sigmund Freud, Heinrich Mann, Karl Max ou Stefan Zweig est organisé. Max raconte… « Quand vient l’heure H, nous sommes rassemblés, professeurs et élèves. Bras droit levé et tendu, nous entourons la pyramide que forment les livres entassés les uns sur les autres[…]. Le feu commence à prendre à la base de la pyramide. Nous l’encourageons par des chants que nous entonnons. Des chants à la gloire de notre Führer, du Reich et de ses mille ans de règne[…]. Nous entamons une manière de danse en tournant autour du brasier[…]. Je chante[…]. Mais ça ne m’empêche pas de réfléchir, de laisser aller mon imagination[…]. Mon imagination me fait voir non pas une simple pyramide de livres en feu, mais une librairie entière, celle de la mère de Lukas. Et la mère de Lukas est à l’intérieur. En train de brûler vive[…]. J’ai envie de vomir. » (p.303)
« Comment il s’en sort Lukas, quand… » se demande alors Max. Réécrivez cette scène d’autodafé de livres du point de vue de Lukas dans une narration à la 1ère personne. Veillez à décrire ce que le personnage ressent à cet instant. ( une à deux pages maximum )

Collection "Scripto"
15,90 euros
Ce livre fait aussi partie de la sélection du Prix littéraire du lycée Jean-François Millet.
2013
Sélection en anglais
Roman